Société
Proposition de loi
Frederik Verbeke
Une proposition de loi concernant les langues "régionales" sera examinée au Sénat en séance publique jeudi 30 juin, malgré l'avis défavorable émis par la commission.
Le sénat se penche sur les langues "régionales". Photo: EITB
Le Sénat va se pencher jeudi 30 juin sur une proposition de loi concernant les langues ''régionales'' (basque, corse, occitan, catalan, alsacien,...), même si la Commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat vient de la rejeter.
Malgré leur entrée dans la Constitution française en 2008, qui reconnaît qu'elles "appartiennent au patrimoine de la France", les langues "régionales" n'ont toujours pas de véritable statut juridique. La proposition de loi déposée au mois de janvier par le sénateur socialiste Robert Navarro souhaite conférer aux langues "régionales" un cadre juridique protecteur et propice à leur développement.
La proposition de loi touche à tous les domaines de compétences de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Sont concernés aussi bien l'éducation, les médias et le spectacle vivant que la place des langues "régionales" dans la vie publique, la vie économique et sociale, l'onomastique et la toponymie.
Or, d'importants obstacles surgis ces dernières semaines font craindre que ce pari ne soit perdu d'avance. Que ce soit la décision rendue récemment par le Conseil constitutionnel, la prise de position du délégué ministériel Xavier North ou le rapport rendu par la Commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat.
Avis défavorable de la commission
La semaine dernière, la proposition de loi a été rejetée en Commission. Selon le rapporteur du texte, Colette Mélot (UMP), "la nécessité d'une intervention du législateur n'est pas avérée" et la proposition de loi n'offre pas une base juridique satisfaisante.
Colette Mélot considère que "la préservation du patrimoine des langues et cultures régionales est une responsabilité incombant prioritairement aux collectivités où elles sont en usage". Selon elle, le développement des langues "régionales" n'a pas besoin de "normes nationales", le cadre légal et réglementaire actuel étant suffisant.
"Il ne paraît donc ni légitime, ni utile de confier au législateur la tâche de tracer un cadre uniforme commun, qui sera par nature mal ajusté aux spécificités de telle et telle langue, de tel et tel territoire," souligne-t-elle.
En plus, pour la commission, la proposition de loi examinée n'offre pas de base juridique satisfaisante. D'un côté, la proposition encourt des risques d'inconstitutionnalité et, de l'autre, elle comprendrait des dispositions "coûteuses et largement inutiles".
Risque d'inconstitutionnalité
Le risque d'inconstitutionnalité avait également été évoqué par Xavier North, délégué général à la langue française et aux langues de France du Ministère de la culture, s'appuyant sur une décision rendue récemment par le Conseil constitutionnel, selon laquelle les langues "régionales" et leur enseignement ne relèvement pas d'un droit fondamental.
La proposition de loi "doit être considérée (...) à la lumière de la décision rendue le 20 mai par le Conseil constitutionnel," a-t-il estimé lors d'une réunion avec la Commission. "Si l'on s'en tient à la décision du Conseil, il n'y a pas dans notre pays de droit à d'autres langues qu'au français," a souligné M. North, avant d'avertir qu "il n'est pas déraisonnable de penser que tout ce qui pourrait s'apparenter", dans la proposition de loi, "à des obligations pour l'État ou les collectivités locales, et symétriquement à la reconnaissance d'un droit aux langues régionales, court un risque d'inconstitutionnalité".
La proposition de loi pourrait donc subir le même sort que la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires que la France a refusé de ratifier pour cause d'inconstitutionnalité, selon M. North.
Malgré l'avis défavorable de la commission, la proposition de loi sera examinée en séance publique jeudi 30 juin, vu que le président de la commission, Jacques Legendre, s'est engagé à ne pas utiliser l'article 40 de la Constitution (non recevabilité des propositions de loi et des amendements). La discussion s'engagera sur le texte initial.
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