Le ''séisme'' Bildu au Sud, ressenti jusqu'au Pays Basque nord

Avec un total de 313.000 voix et ses 25% obtenus en Pays Basque sud, la nouvelle formation indépendantiste basque Bildu&' || 'nbsp; a provoqué une profonde remise en question politique en devenant la 2ème force politique derrière le Parti Nationaliste Basque (PNV), aux affaires depuis 30 ans en Euskadi mais rejeté de l''exécutif par un pacte de gouvernance en mars 2009 entre le Parti Socialiste basque de Patxi Lopez (qui préside le Parlement basque) et le Parti Populaire de droite.

Jamais la gauche abertzale n''avait réalisée un tel score, qui semble trouver une première explication dans la possibilité largement saisie par les citoyens basques de voter à nouveau pour un type de liste indépendantiste, quand elle fut de nombreuses fois illégalisée par le passé (Bildu lui même n''obtint qu''au tout dernier moment de voir son illégalisation initiale retoquée par le Tribunal Constitutionnel espagnol, le 6 mai dernier).

Alors que, traditionnellement, la formation Batasuna recueillait avant 2003 un score de 12% sur l''ensemble du Pays Basque sud, Bildu devient aujourd''hui la deuxième force politique avec 25,45% des voix, derrière le PNV (30,05%), s''octroyant 953 conseillers municipaux, s''assurant une majorité absolue dans 74 mairies, et une majorité relative dans 22 autres.

Avec sa 1ère position dans la province du Gipuzkoa, et surtout la prise de Donostia, Bildu entame désormais un cycle de négociations difficile, et potentiellement infructueux, mais reste la certitude que les résultats des élections du 22 mai 2011 ont marqué une date importante dans la société basque, tout au moins au Sud.

En Pays Basque nord, ce phénomène a été largement observé par les partis abertzale, qui, selon les aléas des diverses élections proposées, ont construit pour leur part des stratégies politiques reposant - ou non - sur des alliances de circonstances, et pour un impact moindre, de fait, dans le paysage politique local.

Alors que la coalition Bildu est composée de membres d''Eusko Alkartasuna (EA) (social-démocrate, gauche), Alternatiba (écologistes) et de militants indépendants de la gauche abertzale (proches de l''ancien parti Batasuna, aujourd''hui illégalisé en Espagne), les forces en présence au Pays Basque nord restent essentiellement formées des formations indépendantistes Batasuna et Abertzaleen Batasuna, parfois réunies pour les élections régionales et cantonales (sous la bannière commune d''Euskal Herria Bai), parfois séparées pour des élections européennes (où AB avait rejoint Europe Ecologie).

Autrefois partenaires au sein d''EAJ-PNV, les formations d''Eusko Alkartasuna et du Parti Nationaliste Basque (PNV) n''ont plus les mêmes positionnements, EA intégrant la plateforme EH-Bai et le PNV préférant faire cavalier seul.

Le 6 mai dernier, une manifestation contre l''illégalisation de Bildu réunissait pourtant devant le Consulat d''Espagne des représentants d''EA, d''AB, de Batasuna, et du PNV.

Petit tour aujourd''hui des réactions sur le phénomène Bildu, tel que ressenti de l''autre côté des Pyrénées dans les quatre états-majors abertzale du Nord.

Batasuna : "L''expression de l''engagement de la société civile vers le processus démocratique du conflit basque"

Pour Xabi Larralde, tête de file de Batasuna en Pays Basque nord, le score significatif de Bildu est la victoire de "deux options politiques gagnantes", à savoir "la force du projet indépendantiste" et également "l''expression de l''engagement de la société civile vers le processus démocratique du conflit basque".

"Quelque chose s''est ouvert, quand, par le passé, une partie de l''électorat basque se retrouvait devant un processus fermé", et, même si de prochains pactes de gouvernance pourraient affaiblir la position réelle de Bildu, "les autres partis politiques non abertzale doivent admettre qu''ils ne peuvent tourner le dos à ce projet, quand le Pays Basque vit l''aurore d''une nouvelle donne politique".

Adapter ce processus au Pays Basque nord se confronte à une "configuration différente des forces politiques, qui n''ont pas le même poids, mais seul l''accumulation des forces entre abertzale peut laisser entrevoir un potentiel de renversement de la donne, pour actionner le seul levier possible du changement", estime-t-il.

Abertzaleen Batasuna : "l''option gagnante de l''abandon de la stratégie militaire"

Cela fait des années que la formation Abertzaleen Batasuna (AB), relayée par le parti Aralar au Sud, réclamait "avec persévérance" une nouvelle recomposition politique telle que Bildu, fondée sur "l''abandon de la stratégie militaire d''ETA".

Pour son porte-parole Andde Ste Marie, on assiste à "une normalisation politique, dont l''ingrédient habituel de l''illégalisation appartient à un passé révolu".

Un "séisme que l''on applaudit", mais qui devra passer par des alliances politiques difficiles, "le PSOE et le PNV jouent gros", et une alliance entre ces deux formations porte surtout sur le risque "de ne pas s''accrocher au bon wagon".

Toute translation à venir d''un "Bildu au Nord" sera vue "en son temps", mais il est clair pour Andde Ste Marie que "l''alternative à l''échiquier politique actuel passe par un pari gagnant et pluriel".

Ecueil de taille : "le mode de listes majoritaires à deux tours rend les choses plus compliquées qu''un vote à la proportionnelle sur un seul tour", comme en Espagne, conclut-il.

Parti Nationaliste Basque : "Tout le monde s''est passé la consigne d''aider Bildu"

Pour Txaro Goikolea, qui préside le Parti Nationaliste basque (PNV) au Nord depuis juillet 2009, "il faut compter avec Bildu, même si ses pactes de gouvernance sont encore dans l''inconnu", et sa grande satisfaction réside sans doute dans le fait que "désormais, la peur de l''expression politique basque ne peut plus être systématiquement mise en avant".

Relevant en particulier l''affaiblissement du PS mais le maintien du poids du PP, Txaro Goikolea estime également que "le score de Bildu permet à Batasuna de récupérer sa place", même si les chiffres montrent à son sens que "la consigne venue de tout le Pays Basque sud d''aider Bildu leur a permis de bénéficier de l''octroi supplémentaire du traditionnel pourcentage flottant de voix".

L''échiquier politique au Sud lui semble désormais clair, "sur la carte du Pays Basque sud, il ne reste plus que deux partis constitutionnalistes, le PS et le PP, et deux partis nationalistes, le PNV et Bildu", et "le temps dira si des pactes permettront de définir la gouvernance de demain".

Pour le Pays Basque nord, "les deux formations abertzale doivent résoudre leurs problèmes structurels", estime Txaro, une "ère d''apprentissage" dans laquelle le PNB ne réclame pas une place de toute urgence.

Eusko Alkartasuna : "Partout où on pourra faire du Bildu, il faudra le faire"

Saluant "un score historique pour le vote abertzale", Manex Pagola a le sentiment (ravi) que "Bildu est dans le sens de l''Histoire".

Pour le porte-parole d''EA, "Bildu montre le potentiel de la dynamique de l''union des forces, une lame de fond pacifique et démocratique, devant laquelle chaque parti devra se déterminer".

Concernant le Pays Basque nord, "l''expérience d''EH-Bai doit être améliorée, et sans doute mieux adaptée au cadre des élections législatives de l''an prochain", estime-t-il, "autour d''un projet d''autonomie européenne du Pays Basque nord, pas d''une institution spécifique, mais bien d''une autonomie".

Le modèle Bildu lui semble dès lors adaptable aux prochaines élections municipales, en 2014 : "partout où on pourra faire du Bildu, alors il faudra le faire ; et faire l''alliance avec la gauche partout ailleurs", estime-t-il.

"Bildu a montré qu''il est un outil politique pour l''auto-détermination d''un peuple : à nous de la faire comprendre aisément à tous ceux qui habitent le Pays Basque", conclut-il.