politique
Refondation de l'école
Frederik Verbeke
Le Sénat a modifié l'article 27 bis du projet de loi pour la refondation de l'École, un article qui concerne l'enseignement des langues "régionales".
Le Sénat a modifié dans la nuit de jeudi à vendredi l'article 27 bis du projet de loi pour la refondation de l'École, un article qui concerne l'enseignement des langues "régionales". Les sénateurs ont supprimé l'accord préalable des parents et élargi la possibilité de recourir aux langues "régionales" aux enseignants du second degré. En plus, la possibilité de recourir aux langues "régionales" n'est plus limitée à la seule fin d'améliorer l'apprentissage du français, mais s'ouvre à tout enseignement.
L'article 27 bis adopté par l'Assemblée nationale en première lecture indiquait qu'"après accord des représentants légaux des élèves ou des élèves eux-mêmes s'ils sont majeurs, les professeurs peuvent recourir aux langues régionales chaque fois qu'ils peuvent en tirer profit pour leur enseignement de la langue française". L'adoption de cet article imposant des conditions plus restrictives que celles issues de la loi Deixonne de 1951 avait suscité une grande inquiétude parmis les défenseurs des langues "régionales".
Plusieurs amendements cherchant à modifier cet article ont été débattus par les sénateurs. Ils ont fini par supprimer l'accord préalable des parents et ont précisé explicitement que le recours aux langues "régionales" est possible dans le premier et le second degré. En plus, le recours aux langues "régionales" a été ouvert à toutes les matières.
Introduisant dans le Code de l'éducation la reconnaissance des langues régionales comme éléments du "patrimoine de la France", l'article détaille aussi les deux formes que peut revêtir l'enseignement de et en langues régionales et inscrit tout particulièrement dans la loi l'enseignement bilingue. Il prévoit également que les familles seront informées de ces différentes offres d'enseignement.
La version de l'article 27 bis adoptée par les sénateurs est la suivante :
I. – L'article L. 312-10 du code de l'éducation est ainsi rédigé :
Art. L. 312-10. – Les langues et cultures régionales appartenant au patrimoine de la France, leur enseignement est favorisé prioritairement dans les régions où elles sont en usage.
Cet enseignement peut être dispensé tout au long de la scolarité selon des modalités définies par voie de convention entre l'État et les collectivités territoriales où ces langues sont en usage.
Le Conseil supérieur de l'éducation est consulté, conformément aux attributions qui lui sont conférées à l'article L. 231-1, sur les moyens de favoriser l'étude des langues et cultures régionales dans ces régions où ces langues sont en usage.
L'enseignement facultatif de langue et culture régionales est proposé dans l'une des deux formes suivantes :
1° Un enseignement de la langue et de la culture régionales ;
2° Un enseignement bilingue en langue française et en langue régionale.
Les familles sont informées des différentes offres d'apprentissage des langues et cultures régionales.
II. – L'article L. 312-11 du même code est ainsi rédigé :
Art. L. 312-11. – Sans préjudice des dispositions de l'article L. 121-3, les enseignants des premier et second degrés sont autorisés à recourir aux langues régionales, dès lors qu'ils en tirent profit pour leur enseignement. Ils peuvent également s'appuyer sur des éléments de la culture régionale pour favoriser l'acquisition du socle commun de connaissances, de compétences et de culture et des programmes scolaires.
Lors du débat, le ministre de l'Éducation, Vincent Peillon, a estimé que "jamais on n'est allé aussi loin dans la reconnaissance des langues régionales".
Néanmoins, les nombreux amendements déposés par la sénatrice basco-béarnaise Frédérique Espagnac ont été déclarés irrecevables en raison de leur impact négatif sur les finances publiques (article 40 de la Constitution).
À noter aussi que l'article 27 bis détaille seulement deux formes d'enseignement en langues "régionales". L'enseignement immersif en langue "régionale", utilisé par exemple par les ikastola du Pays Basque, n'est pas cité. Un des amendements qui voulait le citer comme une troisième forme d'enseignement a été rejeté.
Pour David Grosclaude, conseiller régional occitan, le Sénat a tout de même fait "un pas très positif", en consacrant l'existence du droit à l'enseignement bilingue français-langue régionale.
"Si la loi est votée en ces termes par les sénateurs et ensuite par les députés en deuxième lecture, ce sera une avancée, comparée à la loi Deixonne de 1951. Nous ne pouvons que nous en féliciter," écrit-il sur son blog, tout en ajoutant qu'"il reste d'autres combats à mener" pour protéger et développer la diversité linguistique.
"Nous attendons du premier ministre qu'il prenne une initiative audacieuse afin de régler la question des langues régionales dans la vie publique et dans les médias qui sont avec l'école les deux piliers d'une politique linguistique publique," a-t-il souligné.
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