Économie
Viande de cheval
Rédaction
Ancrée au Pays Basque, la coopérative Lur Berri s'est transformée ces dernières années en un "monstre" de l'industrie agroalimentaire.
Lur Berri détient 99% du capital de Spanghero. Photo: EFE
Ancrée au Pays Basque, la coopérative Lur Berri s'est transformée ces dernières années en un "monstre" de l'industrie agroalimentaire. Si pour les uns, le mot "monstre" est synonyme de "gigantesque" ou "immense", évoquant la richesse et le succès économique engendrés par la coopérative, pour d'autres, le "monstre" représente une entité "effrayante", "de conformation anormale", inspirant la crainte, surtout depuis que la société Spanghero, dont Lur Berri détient 99% du capital, est accusée d'avoir vendu de la viande de cheval pour de la viande de boeuf.
Créé en 1936 sous forme de coopérative de céréales à Aïcirits, au Pays Basque, Lur Berri a connu un fort développement à partir des années 1980, avec d'une part le développement des productions animales (bovins, ovins, porcs et palmipèdes) et, d'autre part, le rachat de nombreux négoces d'approvisionnement et collecte de céréales.
Depuis 2001, Lur Berri est le fournisseur exclusif en canards à foie gras de l'entreprise Labeyrie. En 2009, elle a pris le contrôle de la société Spanghero de Castelnaudary (Aude), spécialiste des plats cuisinés à base de viandes, et, en 2012, elle a pris le contrôle du groupe Alfesca, regroupant les marques Labeyrie, Delpierre et Blini, en augmentant sa participation au capital de 49,9% à 62,9%.
Lur Berri jouit d'une insolente santé financière. Si le groupe a dégagé en 2007/2008 un chiffre d'affaires consolidé de 412M€, en hausse de 29% par rapport à l'année précédente, il affichait en 2011/2012 un chiffre d'affaires consolidé de 1.128M€, une hausse de 85% par rapport à l'année précédente.
Présent sur tout le département des Pyrénées Atlantiques, les Landes, les Hautes Pyrénées et le Tarn et Garonne, le groupe Lur Berri "cherche, autour d'un projet coopératif centré sur les valeurs humaines, à valoriser les atouts de son terroir et le savoir faire reconnu des 5 000 agriculteurs qui adhèrent à ces valeurs," peut-on lire sur leur site internet.
La viande achetée auprès d'un fournisseur roumain pour fabriquer les lasagnes Findus montre pourtant que Lur Berri ne valorise pas seulement "les atouts de son terroir", au grand dam des agriculteurs locaux. Pour les syndicalistes de Lur Berri, il est temps de reprendre le contrôle de la coopérative, de "revenir aux sources de la coopération" et de "défendre les intérêts des salariés, de l'agriculture locale et des consommateurs".
"En théorie, ce sont les agriculteurs qui dirigent Lur Berri. Mais l'expansion de cette coopérative les a dépossédés de cette fonction. Il est temps qu'ils reprennent le contrôle. Ce qui se passe est grave. On peine à comprendre comment il est possible de ne pas contrôler ce que l'on achète," a dit Sauveur Bacho, secrétaire du syndicat Cfdt agroalimentaire du Pays Basque, selon Sud Ouest.
"Une coopérative agricole n'est-elle pas censée défendre les intérêts des agriculteurs, plutôt que de spéculer sur les cours de la viande en gagnant de l'argent sur le dos des agriculteurs européens? Est-ce cette politique agricole que nous voulons?," se demande Alice Leiciagueçahar, conseillère régionale d'Aquitaine (EELV), dans une tribune publiée sur le Journal du Pays Basque. "Ce fait divers à lui seul soulève quantité de questions (qualité de la viande, politique agricole, revenu de l'agriculteur, spéculation, etc.)," ajoute-t-elle.
L'affaire des lasagnes au cheval remet aussi en lumière d'autres tourmentes dans lequelles s'est retrouvé Barthélemy Aguerre, président de Spanghero et vice-président de Lur Berri. En 2008, la coopérative Arcadie, dont Aguerre est président et Lur Berri actionnaire, a été mise en examen pour "tromperie sur les qualités substantielles et sur l'origine d'un produit, tromperies aggravées sur les risques pour la santé humaine" et "mise en vente de denrées corrompues". De grandes quantités de viande avariée avaient été découvertes en 2006 dans une usine de Cholet.
Les salariés de Lur Berri, de leur côté, ont dénoncé à de nombreuses reprises "la politique sociale déplorable qui règne à Lur Berri", "des salaires bas (moins de 1 300 euros net pour plus de la moitié du personnel), "des heures supplémentaires non payées", etc.
En 2007, le collectif anti-OGM du pays Basque a occupé les locaux de la coopérative Lur Berri afin qu'elle renonce à commercialiser des semences de maïs OGM. Le collectif reprochait à Lur Berri "d'afficher ouvertement sa politique en faveur des OGM" dans une région où "plus de 3 000 agriculteurs se sont engagés pour garantir une agriculture bio", selon La France Agricole.
La logique industrielle symbolisée par Lur Berri est très éloignée du modèle défendu par les agriculteurs du Pays Basque, dont la majorité a soutenu le syndicat ELB et la Confédération paysanne lors des dernières élections à la Chambre d'agriculture. Pas étonnant non plus que Lur Berri n'a pas sa place dans l'annuaire de l'eusko, la monnaie locale, écologique et solidaire du Pays Basque qui défend également une agriculture paysanne et durable.
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