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Culture

"Bilbao-New York-Bilbao"

Kirmen Uribe : "C'est impressionnant de paraître chez Gallimard"

Frederik Verbeke

Le roman basque "Bilbao-New York-Bilbao" de Kirmen Uribe vient de paraître aux Éditions Gallimard. Un événement littéraire exceptionnel pour un écrivain de langue basque.

  • L'écrivain basque Kirmen Uribe. Photo: EITB

    L'écrivain basque Kirmen Uribe. Photo: EITB

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Le roman "Bilbao-New York-Bilbao" de l'écrivain basque Kirmen Uribe vient de paraître à Paris dans la collection Du Monde Entier, la principale collection de littérature étrangère des Éditions Gallimard.

Si la parution de l'original en 2008 fut un véritable événement dans l'histoire de la littérature en langue basque, sa parution chez la prestigieuse maison d'édition française pourrait en devenir un autre.

"C'est impressionnant de paraître chez Gallimard. C'est un pas en avant, non seulement pour moi, mais pour la culture basque en général," nous a confié Kirmen Uribe lors d'un entretien sur le sujet. "Paraître chez Gallimard, et plus précisément dans la collection Du Monde Entier, où paraissent des auteurs tels qu'Antonio Tabucchi, Ian McEwan, Omar Pamuk ou Martin Amis, des écrivains que j'admire, c'est comme un rêve", a-t-il ajouté.

Né en 1970 à Ondarroa, en Pays Basque sud, Kirmen Uribe est considéré comme l'un des auteurs les plus prometteurs de la littérature contemporaine en langue basque. Un de ses recueils de poèmes, "Entre-temps, donne-moi la main", a été publié en France chez Le Castor Astral (2006). "Bilbao-New York-Bilbao", écrit originalement en langue basque et traduit ensuite en espagnol, est son premier roman.

Ce roman a reçu le Prix de la Critique au Pays Basque en 2008, puis le Prix National à Madrid en 2009. C'est, par ailleurs, grâce à ce dernier prix et la parution en espagnol chez Seix Barral (Barcelone) que Gallimard a découvert le livre.

Structuré autour d'un vol entre Bilbao et New York, le roman raconte l'histoire de trois générations d'une même famille. À travers des lettres, des journaux intimes, des courriers électroniques, des entretiens, etc., le narrateur, Kirmen Uribe, crée une mosaïque de souvenirs et d'histoires, un petit kaléidoscope magique, qui rend un hommage soutenu à un monde presque disparu (l'épopée des pêcheurs basques), mais qui salue également le monde vers lequel nous allons.

La parution de "Bilbao-New York-Bilbao" a laissé une trace importante dans le panorama littéraire du Pays Basque et marqué un changement, nous a indiqué Jon Kortazar, professeur à l'Université du Pays Basque, critique littéraire et auteur d'une excellent essai sur Kirmen Uribe ("Bitartean New York, Kirmen Uriberen literaturgintza", publié chez Utriusque Vasconiae). Kirmen Uribe explore et expérimente de nouvelles formes narratives, basées sur le fragment ou sur Internet. Son roman met en évidence une "tonalité poétique" et "une écriture très personnelle et très claire", estime Jon Kortazar, en ajoutant que "le premier chapitre du livre - très poétique - montre très bien le chemin que l'auteur veut emprunter".


Une belle histoire, riche, complexe et émouvante d'un lyrisme contagieux

Si Jon Kortazar a aimé chez Kirmen Uribe l'effort de comprendre l'Autre, l'identité postnationale, ainsi que l'humanité de l'auteur, Gersende Camenen, auteur de la traduction française, a aimé "sa capacité à franchir les frontières d'un territoire" : "c'est un livre enraciné dans une culture mais qui ne s'y enferme pas, bien au contraire, car il parcourt de grands espaces et qu'il s'ouvre à d'autres cultures. C'est le livre d'un écrivain curieux et ouvert," nous a-t-elle dit dans un entretien.

"Et puis, "Bilbao-New York-Bilbao" impressionne par son étonnante maturité," selon Gersende Camenen. "Ses lieux de passage et de méditation -la paternité, la mer (celle de la côte, proche de la terre, et de ses rythmes de travail, écho de ses batailles historiques, politiques mais aussi la haute mer des travailleurs, de la pêche qui fait partir les hommes au loin pour de longs mois dans des pays de légende) la poésie (celle des traditions familiales et régionales, celle des métiers qui disparaissent, celle du grand nord celtique, mais aussi celle qui crée de nouvelles familles électives) - déploient un lyrisme contagieux".

Pour l'auteur de la traducion, "Bilbao-New York-Bilbao" est "une belle histoire, riche, complexe et émouvante et une méditation sur la mémoire, la transmission. On suit l'écrivain dans une enquête sur le passé de sa famille, qui prend aussi la forme d'une réflexion sur un héritage culturel, fragile car essentiellement oral".

"La mémoire orale, celle de la langue et de la littérature basque, est très présente et rendue vivante par l'écriture. Celle-ci est très travaillée, il y a une véritable recherche formelle qui vous donne le sentiment d'assister à la naissance du livre, cela est très beau et intéressant," estime Gersende Camenen.

Interrogée sur les difficultés/plaisirs de traduction qu'elle a rencontrés, Gersende Camenen nous a répondu qu'elle a pris beaucoup de plaisir à traduire le livre tout d'abord en raison de l'histoire qu'il rapporte et qui l'a beaucoup touchée.

Ensuite, "la richesse formelle était elle aussi intéressante à travailler," a-t-elle ajouté. "Le livre se nourrit de documents, de correspondances anciennes ou actuelles, retranscrit des informations rencontrées sur la toile… Cela implique des discours, des tons, des langages différents et cela est très stimulant."

"Surtout cette richesse tient grâce à une voix très poétique. Il y a un vrai rythme dans ce texte, peut-être celui de l'oralité, celui des saisons qui imprègnent l'écriture. Il fallait donc le respecter et tenter de le restituer," a-t-elle précisé.


Reconnaissance internationale

Après avoir récolté un beau succès au Pays Basque et en Espagne, le roman de Kirmen Uribe a commencé également à jouir d’un succès international. Il est traduit ou en voie de traduction en 11 langues, dont le japonais. "Un vrai exploit par les temps qui courent, avec la crise économique et les incertitudes sur le marché éditorial," nous a dit Kirmen Uribe, "les maisons d’édition réfléchissent beaucoup avant de décider".

L'autofiction (la fictionalisation de soi en littérature), le récit à la première personne, les histoires non inventées, les histoires de famille, l'utilisation de différents registres, sont autant d'ingrédients d'une esthétique qui fonctionne actuellement très bien dans la littérature mondiale et que l'on retrouve dans le roman de Kirmen Uribe, selon Jon Kortazar.

Jusqu’à présent, la réception du livre a été "excellente", nous a dit le romancier. "Il y a eu deux niveaux de lecture. Les critiques ont été très élogieuses et ont su voir l'intentionnalité du roman, celle d'aller au-delà de la fiction conventionnelle. Et d'autre part, il y a les messages des lecteurs de différents pays qui vous parlent du roman et qui me racontent des histoires semblables aux miennes," nous a dit Kirmen Uribe. "Recevoir ce feedback des lecteurs, c'est précieux. C'est un des avantages des réseaux sociaux," a-t-il ajouté.

Kirmen Uribe est convaincu que le roman fonctionnera bien en France. "Le lecteur français est très ouvert et il aime les propositions novatrices, avec des formes narratives nouvelles. Et "Bilbao-New York-Bilbao a ce côté innovateur" a-t-il dit. "Mais il peut plaire surtout parce que j'y parle de personnages réels; je voulais chercher un peu de "vérité" pour la fiction. Et la description d'un monde qui s'en va, celui de la pêche dans le Golfe de Gascogne. Je place beaucoup d'espoir en France".


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