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Culture

Hommage

Antton Ezeiza disparu, et le cinéma basque en deuil

Ramuntxo Garbisu

eitb.com

Celui que l'on désigna trop tardivement comme l'un des pères du cinéma basque laisse un grand vide avec l'annonce de sa mort, vaincu par un cancer après 76 ans d'une lutte pour son existence.

  • Le cinéaste basque Antton Ezeiza est décédé mardi 15 novembre à Donostia. Montage EITB

    Le cinéaste basque Antton Ezeiza est décédé mardi 15 novembre à Donostia. Montage EITB

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La mort a cela de cruel, aujourd'hui encore, dans ce droit qu'elle se donne de mettre à l'honneur pour la plus douloureuse des raisons une personnalité attachante et historique comme le cinéaste Antton Ezeiza, quand la vie avait oublié de saluer son existence, à Donostia/San Sebastian, là où ce pilier du cinéma basque luttait silencieusement contre un cancer qui l'a emporté à 76 ans hier mardi.

De cet homme que les historiens désigneront une nouvelle fois comme l'un des pères fondateurs d'un nouveau cinéma basque, où la langue fut enfin invitée sur la bande son, on retiendra une filmographie "honnête" d'une dizaine de longs métrages, fruits trop peu goûtés d'un cinéaste qui admirait le formalisme d'un Victor Erice ("Le songe de la lumière, Prix Jury à Cannes en 1992), mais préférait pour son propre travail l'insolence du cinéma de Jean Vigo (comme le prouva son premier moyen métrage "A traves de San Sebastian", immédiatement censuré par le pouvoir franquiste en 1967) ou l'affrontement réaliste du cinéma italien de Rosselini ou de Moretti.

Il faudra pourtant penser aux conditions de réalisation d'une oeuvre dans une période noire de l'Espagne où une caméra était assimilée à une arme suspecte, et où la volonté de donner sa place au Pays Basque sur une pellicule le contraignit à des années d'exil en Amérique Latine, dont son oeuvre la plus remarquée, "Ke arteko Egunak" ("Jours de brume", tourné en basque ET en espagnol), en illustrera la joie du retour mais également l'amertume des changements qu'il y retrouva.

Avec la mort de Franco, un retour lui fut facilité, mais pas les moyens nécessaires d'impulser un nouvel élan à une filmographie où Montxo Armendaritz fut bombardé "cinéaste basque officiel" sans mettre un seul mot d'euskara dans ses bobines.

Sa collection auto-produite des "Ikuskas" (les regards), portée avec talent et émotion sur des aspects intemporels de la réalité basque, aurait dû l'imposer comme l'un des plus vibrants artisans à mains nues d'un septième art jusque là réservé aux studios madrilènes ou catalans.

Aujourd'hui encore, ces 20 courts métrages, réalisés entre 1978 et 1985, restent invisibles de façon totalement incompréhensible, quand une collection entière existe pourtant au Musée Basque de Bayonne et à la Filmothèque basque de Donostia/San Sebastian.

Que cela soit "l'acharnement architectural" dont souffrit Bilbao à la sortie de la Guerre d'Espagne, le témoignage de survivants de Gernika ou la page tournée douloureusement de l'activité de pêche du St Jean de Luz, les Ikuskas gardent un souffle intact, dont leur chef d'orchestre n'eut que trop peu souvent l'occasion de mesurer l'émotion devant un public.

Son dernier long-métrage, "Felicidades Tovaritch", en 1995, restera le testament artistique d'Ezeiza, qui amènera l'immense Francisco Rabal devant l'immonde monument franquiste du Valle de Los Caidos, pour lui demander de céder à la mort là où tous les espoirs républicains furent eux-mêmes assassinés.

En 2003, le Festival international de Donostia/San Sebastian lui proposera un hommage en tant que "père officiel du cinéma basque".

Lors de la cérémonie, l'homme, qui avait une forme certaine d'impertinence comme seule expression polie de l'isolement dans lequel il se retrouvait, aura la facétie de décliner dans un premier temps cette célébration un tantinet mortifère, pour demander à la place une place de parking gratuite devant sa maison d'Hendaye, où il avait trouvé refuge pendant près de 30 ans.

Seule la maladie a donc eu raison de cet homme de luttes, parfois réduit par fainéantise à un nationaliste,  quand sa patrie natale, bercée par la langue basque, avait comme seules frontières les limites d'un format cinémascope.

La mort a donc emporté un grand homme, et ce choix ne doit malheureusement rien au hasard, quand on sait qu'elle savoure sa capacité à atteindre la joie de vivre de tout un peuple, invité à se recueillir demain jeudi au cimetière de Polloe, à Donostia.

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