Culture
Festival de cinéma de Donostia
Ramuntxo Garbisu
eitb.com
Le réalisateur Asier Altuna a magnifiquement dépassé le sujet des chanteurs improvisateurs basques pour signer une puissante ode à la création, par une émotion qui fera trembler plus d'un spectateur.
Il est des moments de grâce pour un spectateur de cinéma, quand le sujet présenté dans un film l'emmène à repenser le monde bien au-delà du programme pressenti, un instant miraculeux atteint par le film basque Bertsolari d'Asier Altuna, présenté cette semaine au Zinemaldia, le Festival international de cinéma de Donostia/San Sebastian.
A partir de son sujet initial, les improvisations poétiques en langue basque qui forment la tradition ancestrale des "bertsolari", le réalisateur a su donner toute sa place à l'essence profonde de l'acte de création, chanté comme ici, mais tout autant décrit pour un écrivain, un cinéaste ou un musicien, ici ou ailleurs.
Le processus de réflexion intérieure, la place à donner au verbe, le sens même d'une prise de parole, ou la difficulté de se confronter avec respect à une tradition, à un exercice codifié, sans brider sa propre personnalité : autant de questions qui, à l'écran, trouvent une illustration que l'on retrouve avec la même poésie dans les entretiens réalisés avec 8 bertsolari que dans la mise en images de ces propos.
Une heure et demie durant, une respiration qui n'appartient qu'au cinéma insuffle une profonde invitation faite au spectateur de se saisir de ces thèmes et, tels les personnages du film, laisser son regard filer vers le plus loin, et vers ses propres dilemmes.
Pour ce tour de force tout en douceur, il fallait un regard qui ne se contente pas d'écrire, de montrer, de faire entendre, mais de faire ressentir.
A l'évidence, Asier Altuna a passionnément intériorisé ce documentaire avant d'en saisir le réel, et son film dépasse dès lors sa simple réduction à un objectif culturel ou aux intérets de sa communauté natale.
Aucun de ces choix ne se heurte de fait à un sentiment de déjà-vu, de hors-sujet ou à des "trucs" de vieux briscard de cinéma, que cela soit les ballades sur la plage du chanteur Andoni Egaña, dont les mots intérieurs finiront balayés par les vagues, ou cette promenade au bord d'une falaise de Maialen Lujanbio, quand l'acte de création est présenté comme une marche d'équilibriste sur le fil dangereux de la mise en lumière de son univers intérieur.
Dans ces deux cas précis, le film cesse d'être un simple média de sons et d'images juxtaposés, pour atteindre une 3ème dimension rarement atteinte, à savoir une communion des deux pour interpeller l'âme d'une création, la raison d'être d'un peuple, ou la transmission d'un art.
L'émotion d'y avoir été invité en tant que spectateur, sans autorité ni dogmatisme, simplement comme on offre une brise, une caresse, est un réconfort qui n'est plus une assurance devant les propositions habituelles du grand écran.
Le film peut dès lors amplifier son propos, offrant lors du championnat 2009 des Bertsolaris une longue offrande d'émotions très fortes, dans laquelle chaque spectateur trouvera une résonance particulière.
Une histoire, aussi belle soit-elle, a besoin de l'art pour parvenir au coeur des hommes, l'a puissamment démontré l'écrivain Jorge Semprun : pour l'avoir fermement cru, puis imaginé et appliqué, Asier Altuna a réalisé un film qui doit être vu au-delà de son seul sujet culturel propre au Pays Basque.
Sur l'écran apparait un manifeste sur l'intelligence et l'universalité de la culture, dans ce qu'elle nous éloigne de la pesanteur du monde, et distille, dans nos yeux soudainement réveillés, quelques larmes de beauté qui irrigueront la terre de nos prochains pas.
Le public du Zinemaldia ne s'est pas trompé, qui a réservé un accueil massif et ému à Bertsolari : annoncé dans les salles espagnoles dès le mois prochain, il apparaitrait inconcevable que d'autres pays n'aient la possibilité d'être saisi par une telle émotion de cinéma.
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